Les français musulmans, intégrés ?
Les français musulmans, intégrés ?
Introduction : dénombrer le nombre de français musulmans
L'Islam, ou plutôt les français musulmans, sont aujourd'hui mis en question notamment leur intégration au système politique. Néanmoins, ce débat ne doit pas être entaché par la sur-représentation des islamistes dans les médias qui ne sont pas représentatifs des croyants en France.
En France, le nombre de musulmans est difficile a estimer et cela pour deux raisons. D'une part, en raison d'une loi ne permettant pas au recensement de relever les caractères raciales et religieux des recensés, ce qui ne nous donne pas la possibilité d'accéder à des statistiques nationales mais qu'a des enquêtes privés. D'autre part, les catégories sociales à faible niveau social ont une méfiance vis-à-vis des enquêtes et, de fait, répondent peu ou pas1. Or, les français musulmans appartiennent globalement à ces catégories sociales.
Néanmoins, nous pouvons établir approximativement que la part des croyants musulmans serait entre 4,5%1 et 6,5%2 - dont moins de 25% pratiquent (se rendre régulièrement dans un lieu de culte) - de la population française. Cette dernière est composée de moitié d'individus ne déclarant pas d'appartenance à une religion ou se déclarant athée convaincus1. Le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) établit le nombre de lieux de cultes musulmans à 1680 dont 0,01% de lieux identifiables comme mosquées3 (présence d'un minaret).
L'exclusion, phénomène conduisant au fondamentalisme
On parle aujourd'hui d'une montée du néo-fondamentalisme musulman chez les jeunes de classe populaire, l'audience d'orateurs tel que Tarik Ramadan en constitue une preuve. Mais ils ne constituent pas la majorité, ainsi que l'explique Dalil Boubakeur (le recteur de la Mosquée de Paris) «le fondamentalisme wahhabite […] a rien à voir avec l’islam d’Afrique du Nord, sunnite et de rite malékite, majoritaire en France »4 (Libération, 29 octobre 2001). Plusieurs éléments expliquent ce fondamentalisme.
D'une part, l'enseignement musulman est faible en France, les lieux de théologies étants rares et peu médiatisées, ce sont les orateurs extrémistes qui sont les plus consultés (leurs efforts de communications sont plus grand que les modérés : distributions de prospectus…). Selon Pierre Joxe, il existe une « contradiction fondamentale qui caractérise l’islam en France: la majorité des pratiquants est de nationalité française alors que la quasi-totalité des imams est de nationalité étrangère »4.
D'autre part, les jeunes de classe populaire sont dans une situation d'anomie (perte de repères) et se sentent exclus de la société. Ce sentiment a plusieurs causes. Tout d'abord, une exclusion économique, le chômage atteint 40% au sein des jeunes de Cité5 et les laisse penser que nul avenir s'offre à eux dans un tel système économique. De plus, ils se sentent exclus par stigmatisation (le stigmate est, en sociologie, un signe extérieur – vêtements, couleur de peau – portant une connotation négative). L'actualité (11 septembre 2001, guerres au Moyen-Orient, délinquance dans les cités, affaire des caricatures de Mahomet) donne une image négative de l'originaire des pays arabes et cela est visible par l'utilisation majoritaire de termes péjoratifs pour qualifier l'islam dans l'opinion publique6. Ensuite, l'inégalité scolaire effective et ressentie amplifie ce sentiment d'exclusion. Tout cela va produire un processus de “retournement du stigmate”, le stigmatisé va utiliser ses stigmates comme une fierté et une identité, ce qu'offre le fondamentalisme.
Enfin, la perte de repères est aussi due à un décalage entre la religion traditionnelle des parents et la Modernité, la première ne répondant pas précisément aux questions que pose la seconde. Le fondamentalisme s'est adapté à la Modernité en donnant des réponses et un code de conduite extrêmement précis (habits, alcool, fumer…). Des réponses sans ambiguïté, une réflexion à limiter.
Des extrémistes sur-représentés mais non-représentatifs
Néanmoins, il ne faut pas juger l'ensemble des français musulmans sur 9000 extrémistes10. La majorité est de rite malékite4 . Cette école de pensée met l'accent sur « l'opinion personnelle (ra'y) et le raisonnement par analogie (qiyās) plutôt que [sur] les hadith »8. Ainsi, c'est plus la réflexion que l'application stricte des hadith - recueil des actes et paroles attribués à Mahomet - qui prime dans la vie du musulman, rendant la religion adaptable à notre contemporanéité. Cette adaptation est le sujet d'une réunion au Caire de l'intelligentsia musulmane9, celle-ci consiste non-pas à réformer le Livre mais à définir précisément son interprétation pour dépasser les contre-sens des fondamentalistes. Entre autres, elle affirme la « séparation entre la parole religieuse et le pouvoir ».
France et Islam incompatibles
On parle d'une République fondée sur les valeurs chrétiennes. La prégnance des idées catholiques dans nos institutions, nos textes de loi n'édicte en rien ce qui doit être mais est une reconnaissance des influences intellectuelles qui agissent sur le comportement de l'individu. De telles valeurs, revendiquées par les chrétiens, ne sont en rien un monopole. L'égalité et la fraternité, que l'on peut retrouver dans les paroles de Jésus, ont transcendé d'autres philosophies, mais certaines (et particulièrement les Lumières) se sont montrées plus anti-cléricales que dévotes. L'influence de la religion sur notre législation et nos institutions vient plus de l'influence du religieux sur l'individu et ses valeurs. Et – même pour l'athée - ses conceptions sont influencées par son environnement. Mais la valeur suprême qui fait la France est dans l'article premier de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. »
Ce respect est entrain de se perdre et le réel danger que court la sacro-sainte loi de 1905 vient plus de certains Hommes politiques qui pensent pouvoir édicter le dogme d'une religion (imposer la prêche en français par exemple), que de cet Islam bien vite jugé sur les actes d'une minorité.
Bibliographie
1 : Pierre Bréchon et Jean-François Tchernia, la France à travers ses valeurs, Armand Colin, 2009
2 : Michèle Tribalat (Ined)
3 : http://oumma.com/Les-mosquees-de-France-un-etat-des
4 : Conditions d'un Islam en France, Vincent Calliger, Juin 2002
5 : Daniel Cohen, Le Monde, 11 janvier 2006
6 : Impressions et réactions des Français musulmans, Michel Morineau, décembre 2001
7 : Al-Qaïda dans le texte, Gilles Kepel, 2008, PUF
8 : encyclopédie universalis, Yves Thoraval, « école malékite », 2011
9 : Courrier international, n°1060, 24 février-2 mars 2011, p.19
10 : « Putting out Brushfires : France and Islamic » (rapport de la diplomatie étasunienne révélé par WikiLeaks) 17 aout 2005